L’égo, tremplin et ennemi de la relance d’une PME.
"L'ego est à la fois ce qu'il y a de plus important et de plus gênant - c'est le plus fidèle de nos empêcheurs, et le plus actif de nos moteurs" - Paul Valéry.
La trésorerie est le nerf de la guerre dans une PME. Début 2024, selon l'Insee, la fragilité bancaire des TPE et PME était supérieure à son niveau d’avant-crise sanitaire (…). La dégradation est surtout marquée pour les entreprises en difficulté, avec deux fois plus de TPE-PME à découvert début 2024 que début 2020.
(Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8316145?sommaire=7667330)
Et la tendance s’est confirmée tout au long de l’année 2024, jusqu’à, en novembre, battre un record de fragilité avec prés de 65000 entreprises en situation critique. C’est cette catastrophe de l’entrepreneuriat français qui nous a conduit à rassembler autour de la PME et de l’Association le collectif d’experts DURE COMME FAIRE afin de trouver une solution en urgence pour leur relance.
Quand la trésorerie s’effondre : repenser le positionnement
Les facteurs qui expliquent une trésorerie défaillante dans une entreprise sont souvent nombreux : mais de façon quasi constante, c’est le chiffre d’affaires qui pêche ou ne compense pas le volume croissant de créances clients, la perte d’un gros marché ou l’accroissement des charges.
C’est pourquoi, au moins à très court terme, il est indispensable de repenser le positionnement de l’entreprise, repenser son offre de produits ou de services afin de dégager un chiffre d’affaires à court terme.
La refonte du positionnement de l’entreprise ou de l’association, celle du discours commercial associé sont deux clés précieuses pour redonner un peu d’air à une PME en difficulté. Nous l’avions abordé dans un article précédent (https://www.durecommefaire.fr/blog/le-discours-commercial-un-levier-de-survie-pour-les-pme-en-difficulte).
N’empêche, pour ce faire, il faut se faire accompagner par un cabinet extérieur. Et c’est là, déjà, que les chef•fes d’entreprise ne sont pas égaux. Quand on s’écroule, ou que l’on s’affaisse, à l’échelle individuelle comme à l’échelle d’une famille, d’un pays ou d’une entreprise, il y a toujours deux écoles : le repli ou l’appel à l’aide. Et souvent, l’attitude que l’on adopte n’est pas très réfléchie, car, face aux chocs, ce sont d’autres ressorts que ceux de la conscience et de la clairvoyance qui se mettent à l’œuvre : la peur rôde.
La peur d’échouer et l’isolement des dirigeants
La peur d’échouer, quand elle saisit le•a dirigeant•e d’une petite entreprise ou d’une association, est une angoisse annihilante qu’il ne faut pas minimiser : perte du sommeil, perte d’appétit, irascibilité, conduites limites (alcool, vitesse)… c’est panique à bord !
Les données exactes peuvent varier selon les études et les périodes, mais plusieurs enquêtes et rapports ont montré qu'un pourcentage important de chefs d'entreprise souffrent de problèmes de santé mentale, notamment de dépression. Par exemple :
Une étude de l' APESA FRANCE (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aiguë) révèle que près de 1 dirigeant sur 5 (soit environ 20%) présente des symptômes de dépression ou de souffrance psychologique aiguë en raison des pressions liées à la gestion de leur entreprise.
D’autres enquêtes, comme celle menée par l' INSTITUT DE RECHERCHE ET D'INNOVATION SUR LA SANTE ET LA SECURITE AU TRAVAIL ont également estimé qu'entre 15% et 20% des chefs d'entreprise en France étaient confrontés à des problèmes de santé mentale, dont une proportion significative souffre de dépression liée au stress professionnel.
Il faut, pour comprendre la pression du dirigeant•e, bien assimiler qu’en France, diriger une entreprise en difficulté n’est ni compris, ni admis : les relations avec la banque se tendent, celles avec les institutions se résument à de la négociation d’échéanciers de paiement, sans compter qu’en cas de procédure collective, c’est le purgatoire !
Chez DURE COMME FAIRE, on connaît. On est passé par là : on a le recul nécessaire pour en parler, et aussi pour prévenir la situation !
Rappelons aussi que l’isolement du chef d’entreprise dans une passe aussi difficile est doublé d’une autre contrainte : celle de ne pas s’ouvrir aux salarié•es des difficultés de l’entreprise.
Mais l’isolement n'est pas une fatalité. L’intervention de consultants peut redonner de l’oxygène, comme l’illustre l’exemple de La Redoute.
L’exemple de La Redoute : un modèle pour les PME
La Redoute, spécialisée dans la vente à distance (initialement par catalogue, puis sur Internet), a rencontré des difficultés économiques majeures dans les années 2000 en raison de la concurrence accrue, de l'évolution des modes de consommation et d'une gestion inefficace. L'entreprise a alors fait appel à de nombreux consultants extérieurs pour l'accompagner dans sa transformation.
Actions réalisées avec les consultants :
Restructuration financière et organisationnelle : Les consultants ont été impliqués dans la révision des modèles financiers de l'entreprise, la réorganisation de la chaîne logistique et la gestion des stocks. Un plan de réduction des coûts et de réorganisation des activités a été mis en place, y compris un recentrage sur les segments les plus rentables.
Transformation numérique : La Redoute a demandé l'expertise de consultants spécialisés dans le commerce en ligne et la digitalisation afin de renforcer sa présence sur Internet. Des experts ont travaillé sur la refonte du site web, l'amélioration de l'expérience utilisateur, l'optimisation des ventes en ligne et la mise en place d'une stratégie multicanal.
Repositionnement stratégique : Des consultants en stratégie ont aidé La Redoute à se repositionner sur le marché en identifiant de nouveaux segments de clientèle et en adaptant son offre produit aux nouvelles attentes des consommateurs (par exemple, en se concentrant davantage sur la mode).
En somme, La Redoute a recouru à une combinaison de consultants spécialisés en stratégie, en digitalisation, en finance et en organisation pour effectuer un redressement et réussir sa transition vers le secteur numérique.
Bien qu'elle soit une entreprise de plus grande taille qu'une PME classique, l'exemple de La Redoute montre comment l'aide de consultants extérieurs peut être cruciale pour redresser une entreprise en difficulté. Dans une PME, une telle approche serait tout aussi pertinente, notamment pour des réorganisations stratégiques, numériques ou financières.
L’aide extérieure : parfois, c'est l'overdose !
Lorsque la décision de faire appel à un conseil extérieur est prise, il arrive aussi (surtout lorsque la situation critique est anticipée) que le•a dirigeant•e consulte frénétiquement des conseilleurs qui, comme l’on sait, ne sont pas les payeurs : tant de cabinets se positionnent sur la PME en difficulté sans avoir ni l’expérience personnelle, ni le recul nécessaire pour accompagner le•a dirigeant•e ! Chacun•e y va de ses conseils inapplicables dans une petite entreprise ou pire, dispense des conseils théoriques qui ne sont liés à aucune expérience personnelle du conseilleur.
Parfois (souvent), c’est grave !
Nous sommes par exemple intervenus cet été dans une PME de 60 salariés qui en était à son 4eme audit commercial et financier en moins de 8 mois. L’entreprise enchaînait les difficultés de tous ordres et ne cessait d’appeler à l’aide : une valse de consultants se sont succédés, gros et petits cabinets, spécialisés ou non, en un an. Au point que la gouvernance n’avait plus aucune confiance en la moindre aide extérieure.
Lorsque nous sommes intervenus, il a fallu reconquérir la confiance élimée, mettre en place un process de relance, écouter chacun•e des responsables de pôles et rassurer leurs doutes envers une n-ième intervention. Et ça a marché !
D’une façon plus générale, les entreprises en difficulté qui choisissent de se faire accompagner pour redresser l’entreprise ont un temps de réaction très hétérogène : certaines s’y prennent plusieurs mois à l’avance, quand la tempête est prévue mais encore lointaine, d’autres attendent le dernier moment, le point de non-retour.
Un accompagnement multi-focal
Lorsque nous intervenons dans une PME ou une association en urgence, c’est dans trois objectifs possibles :
l’accroissement du chiffre d’affaires,
la recherche d’un investisseur
la conquête d’appuis politiques territoriaux.
Mais la relance d’une PME passe aussi, et surtout, par la refonte de son organisation, de sa modalité managériale, de la gestion financière ou des Ressources Humaines ou encore de son niveau de digitalisation.
Comme dans l’exemple de La Redoute, il est indispensable de procéder à une refonte en profondeur de l’organisation de l’entreprise, même si le réflexe est souvent d’abord de trouver plus de chiffre d’affaires ou de la visibilité.
L’exemple du groupe DOUX
Un exemple bien connu est celui de Doux, l'ancien leader français de la volaille :
En 2012, malgré un chiffre d'affaires de près de 1,4 milliard d'euros, le groupe Doux s'est trouvé en grande difficulté financière.
L'entreprise a fait appel à :
Des cabinets de conseil en restructuration (dont Alvarez & Marsal)
Des experts financiers pour la renégociation de sa dette,
Des consultants spécialisés dans le secteur agroalimentaire,
Des conseils juridiques pour la procédure de redressement.
Malgré l'intervention de ces nombreux consultants et des investissements importants (notamment de l'homme d'affaires Didier Calmels), l'entreprise n'a pas pu être sauvée dans sa forme initiale. Elle a été partiellement reprise par LDC Groupe en 2018.
Cet exemple montre que même avec des interventions multiples de consultants externes, le redressement n'est pas toujours possible quand les difficultés structurelles sont trop importantes.
Ou le repli
L’opposé existe aussi : lorsque la gouvernance perçoit dans ses prospectives une difficulté à venir (qu’elle en connaît même l’échéance), il est fréquent qu’elle choisisse de ne pas faire appel à de l’aide extérieure.
Certain•es dirigeant•es se sentent incapables de solliciter une aide extérieure au moment où il le faudrait et sont pétri•es par l’assurance de s’en sortir seul•es. Les raisons ont toujours l’air d’être légitimes : difficultés de trésorerie limitant les dépenses, méfiance vis-à-vis du métier de consultant•e, habitude à « gérer » les situations difficiles, etc… C’est à ce stade précis des difficultés prévisibles de l’entreprise que la personnalité de l’entrepreneur ou du chef d’entreprise entre en ligne de compte : quand on est en anticipation d’une difficulté, il est encore temps de préparer un virage agile autant dans l’acquisition de prospects que dans la réduction éventuelle des dépenses futures.
Mais si le chef d’entreprise délègue peu, s’il enchaîne les décisions hâtives, que son cerveau en arborescence se trouve figé par la peur de l’échec ou lorsqu’il vire dans le déni, il peut prendre la décision brutale de replier l’entreprise sur elle-même au pire moment.
C’est ce qui s’est produit la semaine dernière : nous avons êtes consultés par une entreprise de la région marseillaise qui fabrique des solutions industrielles innovantes pour ses clients. L’entreprise jusqu’alors très florissante, une TPE de 9 salariés, de 10 ans d’existence, anticipait en nous consultant la perte à court terme (Mars 2025) de son plus gros client (40 %). Avouez que l’anticipation est faible, d’autant que le chef d’entreprise n’est pas convaincu de la nécessaire refonte globale de son positionnement et de son discours commercial.
Il pense pouvoir s’en sortir seul.
L’entreprise communique peu et lorsqu’elle le fait, son discours commercial est confus. On comprend mal à qui s’adresse ses services, ce qu’ils sont : l’offre commerciale se perd dans une énumération « catalogue » de services alors qu’elle prône une réponse « sur mesure » aux demandes de ses clients industriels.
Mais le dirigeant à qui nous proposions de revoir son discours commercial et de mettre au point une nouvelle stratégie de communication commerciale, a préféré « ne pas se faire aider » sur ce sujet.
Il n’a pourtant aucun réel problème de trésorerie, agit en dernière minute et minimise l’urgence à restructurer son offre. Pourtant, l’entreprise est à un point d’orgue à moins de deux mois : il y a tout lieu de penser que les mêmes causes produisant les mêmes effets, sans aide extérieure, le dirigeant risque de perdre des semaines précieuses de refonte de son discours commercial qui aurait permis de relancer la conquête de prospects.
La place de l’égo : un frein à l’agilité
La PME, fondée ou dirigée par un(e) dirigeant(e) ou un couple dirigeant(e) est souvent le reflet exact de l’architecture intérieure du (de la) dirigeant(e). Et d’ailleurs, le patriarcat aidant, le(a) dirigeant(e) agit un peu comme à la tête d’une famille : il y a souvent un parallèle affolant entre la vie de famille d’un(e) pilote de PME et le quotidien de l’entreprise.
Gérer une entreprise « en bon père de famille » est une expression encore vivace…
Et même quand l’entreprise n’est pas en difficulté mais qu’elle est au contraire en forte croissance, il arrive que certaines entreprises ne se fassent pas accompagner par un prestataire extérieur pendant des années : récemment, nous avons été mis en relation avec une entreprise administrant des réseaux informatiques chez ses clients (info gérance), 8 ans d’existence, 6 salariés, 1,4 million d’euros de chiffre d’affaires.
L'entreprise ne dispose ni de logo, ni de discours commercial, ni de visibilité, ni de positionnement différenciant, ni de présence sur les réseaux sociaux : le dirigeant pilote son développement commercial avec la force de son dynamisme et son réseau.
Pourtant, l‘entreprise est fragile pour plusieurs raisons :
1/ Il n’y a pas de développement commercial durable sans visibilité.
Le dirigeant peut, certes, porter, seul, le développement commercial de l’entreprise mais si l’entreprise n’est pas visible, l’acquisition de prospects peut s’écrouler si le dirigeant est moins actif dans ses actions commerciales (problèmes personnels, problèmes RH etc...). Plus l’entreprise va croitre, plus elle va être fragile si elle ne communique pas. C’est mathématique.
2/ Une communication sans positionnement stratégique est contre-productive
Une communication sans positionnement stratégique de l’entreprise sur un secteur aussi fortement concurrentiel que l’administration externalisée de solutions informatiques n’a aucune chance de résister sur le long terme à l’attaque d’acteurs dotés d’une communication forte.
Et pour ce client, le seul point sur lequel nous sommes parvenus à convaincre le dirigeant qu’il fallait agir, c’est sur son manque de notoriété : celle de cette toute petite entreprise doit absolument être incarnée par la prise de parole publique du dirigeant qui doit être organisée et congruente avec le discours de l’entreprise.
L’égo, chez les dirigeant•es de petites ou moyennes entreprises, comme pour n’importe quel être humain, est à la fois un tremplin et un frein.
L’égo des dirigeants peut se révéler un double tranchant. Un dirigeant peut être réticent à déléguer, ou à reconnaître qu’il a besoin d’un accompagnement. Mais parfois, il faut savoir mettre de côté son orgueil et accepter que les défis sont trop grands pour les affronter seul. Le refus de se faire aider, même dans des moments critiques, peut conduire à la stagnation et à la perte de compétitivité.
Conclusion : oser demander de l’aide
Dans la relance d’une PME, l’aide extérieure n’est pas une option, mais une nécessité. L’important est d’identifier les bons interlocuteurs et de s'entourer des experts capables de proposer des solutions concrètes et adaptées. Mais au-delà des compétences techniques, c’est le courage de demander de l’aide qui fera la différence. Le véritable défi pour les dirigeants de PME est de concilier leur égo avec les besoins de l’entreprise et de choisir, enfin, de se faire accompagner pour rebondir.
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Le collectif DURE COMME FAIRE accompagne les entreprises du Sud-Est en urgence 🚨 dans leur relance : nous avons notre méthode antichoc en particulier pour les entreprises qui concourent à protéger l'environnement, nourrissent l'humanité ou l'aident à vivre et vieillir en bonne santé.
"(car) Il faut y croire".
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